Des habitants du quartier et de la ville, Alban, Alexandre, Anina, Camille, Céline, Charifa, Christine, Chloé, Clorinda, Delphine, Élise, Fabien, Flora, Frédérick, Haciba, Héloïse, Idir, Isadora, Jalila, Joe, Kelly, Khadidja, Marina, Matthieu, Nathalie, Nicolas, Olivier, Pascal, Sarah, Thérèse, Yves, Zouhal, qu'il soient étudiants ou autodidactes, travailleurs ou chômeurs, nés français ou d'adoption, hommes et femmes de tout âge (de 17 à 65 ans...) se sont retrouver pendant neuf semaines pour monter une pièce de théâtre d'Armand Gatti, issue de la Traversée des langages, au théâtre Jean Vilar de Montpellier...

Cet atelier a réuni 25 Montpelliérains et les 6 membres de l'association Idéokilogramme. Nous avons travaillé dans le quartier Mosson-Paillade, à la Maison pour tous Léo-Grange, au centre social de la Caisse d'Allocations Familiales et dans les locaux de l'association Musique sans frontières.

Ce projet a reçu le soutien de la Ville de Montpellier, du Conseil Général de l'Hérault, du Conseil Régional Languedoc-Roussillon et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon. Nous vous invitons à lire le dossier de présentation de l'atelier.

samedi 10 avril 2010

Montpellier 2009-2010 :
Armand Gatti, La Traversée des langages.

"Le théâtre n’est jamais la fabrication d’un produit, ce qui élimine trois choses: le tiroir-caisse, les acteurs et les spectateurs. Que reste-t-il ? L’essentiel, l’aventure du langage." A.Gatti


Le projet en quelques mots: il s’agit de s’engager, à Montpellier, dans un processus créatif autour de la poésie d’Armand Gatti, en prenant appui sur le théâtre, la musique, la peinture... pour prendre la parole sur tous les discours et questionner notre monde...
Au cœur du projet, l’atelier de création artistique se déroulera du 15 février au 16 avril 2010 à la Maison pour tous Léo-Lagrange à Montpellier. Autour de l’atelier, plusieurs événements vont venir ponctuer quelques temps forts, à Montpellier et dans la Région Languedoc-Roussillon : des rencontres avec Gatti qui auront lieu tout le long de l’aventure, des lectures et des débats, une exposition...

vendredi 9 avril 2010

Première semaine (du 15 au 21 février 2010)

Lundi, mardi, on se découvre. On ne s'est donc pas privé d'exercices d'improvisation théâtrale, de football (la pièce comporte un match avec un ballon invisible!), de chant et de voix, etc. Le matériel nécessaire au lancement de l'atelier plastique est réuni (construction du décor, des costumes, des marionnettes, réalisation sous forme de peintures et/ou de calligrammes des "Qui je suis? À qui je m'adresse?" par chacun des participants). Le Kung-fu a été introduit, au moyen d'exercices de relaxation par le Qi-gong (respiration assise, posture de l'Arbre, très lents mouvements de déplacements en équilibre, déséquilibre avec poussée à une et à deux mains, etc.) et le maniement des longs bâtons en bois (un bon mètre quatre-vingt de long!).

Événement, ce mercredi : la découverte du texte de la Traversée des langages, "La Possibilité de la symétrie virtuelle se cherchant à travers les mathématiques, selon les groupes de la dernière nuit d'Évariste Galois". Les groupes mathématiques d'Évariste Galois ont remplacé, pour nous, les personnages psychologiques. Ce sont ces abstractions, support des investigations scientifiques des héros de la Traversée des langages, qui raconteront l'histoire du résistant et philosophe des mathématiques, Jean Cavaillès, fusillé dans le Pentagone d'Arras en 1943. Les groupes chercheront à établir une "symétrie" entre ce résistant et le républicain révolutionnaire, génie des mathématiques, Évariste Galois...

Jeudi, premier auteur invité (par ses textes) pour mieux nous aventurer sur les chemins de la Traversée des langages : Francis Bailly. Ce physicien a parcouru un trajet analogue à celui de Gatti (mais en sens inverse) des mathématiques et de la physique vers la philosophie et la poésie. Il nous sera, tout au long de l'expérience, d'une grande aide pour prendre conscience des implications et enjeux de cette œuvre qui nous est, à plus d'un titre, contemporaine...

Vendredi enfin, premier essai sur la chant d'ouverture de la pièce. Le chœur se forme : qui les alto, qui les mezzo, qui les basses. Voici le "Chant du Cinq qui se répond à lui-même" :
Nous,
dont l’acte de naissance
dans les calculs des hommes
est le collisionneur
- personnages errants
des chambres de Wilson,
boîtes à bulles,
Gargamelle des centres de recherche nucléaire

Nous,
à qui les grammaires assignent
les lieux de nos rencontres
réunis les uns par les autres

Nous voici ce langage,
avec d’une part l’aube
où celui qui va être l’Inconnu n° 5
salue ses compagnons de cellule
“Adieu !
Je m’en vais chercher
une autre symétrie...”
et d’autre part l’aube
où Galois inscrit, au bas de l’équation
du cinquième degré
ax5 + bx4 + cx3 + dx2 + ex + f = 0
et de ses groupes recompilés, pendant toute la nuit
“Je n’ai plus le temps,
la symétrie expliquera tout ça”.

Et nous
par une symétrie possible
autour du poteau d’exécution d’un pentagone
où cent vingt-trois fils de la Résistance (dont l’Inconnu n° 5) inventent
à travers vous
et vous, à travers nous
leur dernier combat.

Pascal :
Le risque du groupe, son implosion ou explosion, cette accélération particulière des individus dans la boucle artificielle du jeu et de la réalité, tout s'est bien passé; c'est un joli bébé. On se regarde les uns les autres, avec aussi soi même. La salle Molière possède un grand miroir. Nous dansons chaque matin une sorte de hip hop zen, sans autre musique que les voix intérieures, les flutes de nos souffles, les cognements des pieds sur le sol. Nous rions volontiers. Nos prénoms s'échangent et se transmettent. Nous commençons des textes et des postures : Croyez-vous en Dieu ? Ça, Élise le dit très bien. Les neurones se reconnectent ; enfin nous sortons de notre coffre ; le mana se déploie et se symétrise. Le swing est cool.

Mercredi, j'arrive en retard pour la lecture ; j'ai fait un mauvais rêve. En prison, dans une cellule sans porte. Intéressant Monsieur Sigmund : la prison est dans ma mentalité, héritée des mentalités qui dans ma génétique étaient elles mêmes fermées et contraignantes. Nous recevons donc les plans de la prison, à défaut des clefs du paradis. D'ailleurs c'est davantage le calepin d'une cathédrale qui s'élèverait pour des raisons humaines. Nous sortons de nos vies rigides et sociétales. Nous avons entendu parler des mouvements de résistance, la contre-culture, chez soi ou pas très loin ; mais que savons nous d'Evariste Galois et de Jean Cavaillès. Ah oui bien sur ! Les camarades scientifiques, les grands génies ! les cousin de la magouille à Albert Einstein. Et Emmy Noether (nöter), et Van Gogh ? Et Rimbaud ? Et nous ?

La lecture est longue, le texte brut, on perd des plumes, j'aime. Ça va pouvoir le faire ; on peut dire et montrer ça. Rita la Mouette me plait un max. J'ai l'impression que mon rôle de HT1 est dans la brume (par exemple dans les landes écossaises), mais qu'en même temps il est avec les autres comme dans une veine, ou tout circule et tournoie.

Le jeudi, nous sortons les bâtons, pour performer nos danses hérétiques ; et nous évoquons le scandale pré soixantehuitard des mathématiques, quand Galois renverse la table de l'examinateur pour l'entrée en Polytechnique, trouvant le sujet un rien carrément imbécile. Les mathématiques souterraines donnent un coup de pied au cul aux bourgeois stupides qui achètent et font bâtir une architecture à 90°, à base plane et à niveau. Nous habitons tous dans un dédale. Léo Lagrange étant notre zone franche, le fameux terrain d'entente. Nous chantons, Armand est bien le seul à pouvoir me faire prier, moâ l'anarchiste. Nous chantons, Idir, Frédérick, Matthieu, Fabien, Éloïse. Le jeu est collectif, déjà je me sens mieux. OK pour un autre départ.

Yves :
Qu'est-ce qui rapproche le fermion subtil de l'inconnu numéro 5 du polygone d'Arras, le bâton long pour atteindre le ciel, le bâton court pour se retrouver, les mots pour ne pas dire ni se faire comprendre, le rouge à lèvres de l'actrice numéro 4, les filets du jeu de football qui se gonflent, une troupe éphémère en relaxation, des chants quantiques à 3 voix, un ténor qui se retrouve alto momentanément???? Peut-être la poésie d'Armand Gatti, peut-être... Prise à bras le corps par une bande d'aventurières et d'aventuriers de l'inattendu.

Clorinda :
Chers tous,
je vous écris pour vous remercier de m'avoir accueillie à bras ouverts, de vous être laissés transporter et de vous être fiés à moi.
Nous n'avons pas eu l'occasion de travailler ensemble depuis vendredi, et donc j'ai pensé vous envoyer ces quelques lignes de Grotowski (un des plus grands théoriciens et metteurs en scène qui ont révolutionné le théâtre du XXème siècle), qui avec des mots simples, parle de nous, de vous, de votre parcours et du travail que nous avons fait ensemble.
Ce n'est pas facile de s'écouter soi-même, de faire silence, et de ressentir ce qui se passe, ce qui jaillit à l'extérieur, et parfois de manière un peu violente, mais cela veut dire que nous avons entendu une voix muette depuis trop longtemps peut-être, et qui s'est frayé un chemin avec force.
Elle en avait besoin. Et si vous êtes là, cela veut dire que vous en avez besoin.
Faire du théâtre signifie livrer bataille à soi-même, se regarder en face et lutter pour s'améliorer.
Je vous souhaite une glorieuse bataille. J'espère vous revoir bientôt. Affectueusement.

"L'essence du théâtre est constituée d'une rencontre. L'individu qui accomplit un acte d'auto-pénétration établit en quelque sorte un contact avec lui-même: c'est-à-dire une confrontation extrême, sincère, disciplinée, précise et totale - non seulement une confrontation avec ses pensées, mais une confrontation susceptible d'impliquer l'intérieur de son être, depuis ses instincts et raisons inconscientes jusqu'au stade de sa conscience la plus lucide. Le théâtre est également une rencontre entre gens créatifs. Je suis metteur en scène, je viens me confronter à un acteur et l'auto-pénétration qu'il accomplit m'amène à me découvrir moi-même: ensuite, nous venons tous deux nous confronter au texte. Eh bien, nous ne sommes pas en mesure de présenter le texte de manière objective, puisque seuls les textes très faibles ne nous offrent qu'une unique possibilité d'interprétation: tous les grands textes se présentent à nous comme un abysse." Grotowski - Pour un théâtre pauvre

jeudi 8 avril 2010

Deuxième semaine (du 22 au 28 février 2010)

"Les Hypothétiques. - Dans cette possibilité d’opéra où la dernière nuit de Jean Cavaillès répond à la dernière nuit d’Evariste Galois, nous groupes Commutatifs, Cycliques, Hypothétiques, nous sommes les signes fantômes (ou non) du Livre sur la théorie des groupes qui n’a pas été écrit.

Les spectateurs virtuels interrompent.

Les Associatifs. - Et nous ? Le groupe des Associatifs ?"
C'est avec ces deux répliques d'ouverture que la mise en scène de cet opéra "quantique" (en tous les cas, sa possibilité...) est lancée ce lundi 22. Les groupes y ont remplacé les personnages. Ils nous sont d'emblée présentés :
  • les Commutatifs (particules du monde de la physique quantique aux identités multiples, à la fois chiffres - issus des calculs - et pronoms - issus de la grammaire),
  • les Cycliques (figures mythologiques - statues de cathédrales, animaux fantastiques, etc. - qui ont marqué la vie du résistant Jean Cavaillès),
  • les Hypothétiques (associées au raisonnement déductif, les hypothèses sont le principal outil du scientifique : ce groupe veille aux différentes démonstrations du spectacle),
  • et les Associatifs (spectateurs assis parmi le public ; réactions "à chaud" de mathématiciens, d'ouvriers, de physiciens, de logiciens, de poètes, de théologiens...)
Une esquisse de distribution est proposée en début de semaine. Chacun découvre son groupe, avec qui les répliques sont partagées. Premiers mouvements : chiens, chevaux, gazelles, éléphants, chameaux, bientôt rejoints par les kangourous et les athlètes, envahissent le plateau. C'est la tentative d'une danse des animaux du livre que la mathématicienne Emmy Nœther offrit à Cavaillès... Puis travail sur la parole chorale, d'adresse au public, à ses partenaires, etc. Très vite (dès la deuxième page), le tout premier chant, "Le Cinq qui se répond à lui-même", est mis en place dans la continuité de l'ouverture de la pièce.

Chaque matin, l'apprentissage du maniement du bâton long se poursuit, les enchaînements de bâton court (inspirés du sabre shaolin) sont présentés : ça gambade, ça virevolte, dans les airs, au ras du sol... Mercredi, joyeuse après-midi d'inauguration de l'atelier de création plastique. Les pinceaux, la peinture, les châssis toilés sont de sortie pour la réalisation des "Qui je suis?".


photos Joe Dasnière

Les bases, de ce qui constituera toute notre approche créative, ont été posées... En effet, nous avons du prendre toute cette semaine pour ne travailler que les trois premières pages de la pièce qui condensent à la fois danse avec les bâtons, chant choral et scène d'exposition. Il s'agit comme d'un spectacle avant le spectacle, qui n'en sera pas un au sens classique du terme, puisque suites de questionnements et de tentatives de représentations, par les groupes, des destins "symétriques" de Jean Cavaillès et Évariste Galois.

Vendredi soir, nous nous quittons impatients de nous retrouver lundi, pas mécontents non plus de profiter de deux jours de relâche, avec en esprit ce texte dense et riche de la traversée des langages, qui commence peu à peu, sous nos yeux, à prendre forme, consistance et sens!

Pascal :
Je m'aperçois à la relecture de la traversée des langages que la barre est perchée très haut. Je me dis qu'il faut se mettre au travail et accélérer le jeu. L'effet passe à dix sinon rien. Le public devra être pris à la gorge car la mathématique évoquée est une rébarbation très commune. Je crois que nous sommes là à cause d'une profonde affection envers Evariste, Jean, Emmy et Armand Gatti. Je crois que nous transportons la plainte inextricable du chagrin de la guerre. Nous sommes là pour avancer que le nazisme est encore en vie, et que nous n'en sommes pas conscients. C'est là, et immédiatement la société refoule. Je n'ai jamais pu accepter que la police française n'ait pas connue de purge après la guerre. Et pourtant, comme on dit : nous sommes condamnés à vivre ensemble.

Je commence à apprécier la gymnastique et la barre de bois ; d'ailleurs je vais essayer de continuer après le test. J'aime profondément ce que nous tentons dans cette expérience ; je crois que c'est aussi le cas pour tous les stagiaires. C'est ce que je ressens. Même si ça se frite un peu entre l'arrière et l'avant de la cohorte.

Mercredi, j'accueillais Frédo, Sarah et Marina dans l'émission de radio que j'anime et dont le créneau c'est la poésie. Émission joyeuse, vaste, rigolote et très très poétique ; pour moi la meilleure depuis le début en Juillet. On recommence dans dix jours ; nous essaierons de davantage parler de la pièce et de son auteur, tout en gardant cette bonne humeur.

Pas mal d'absents ; et quelques très fidèles. Les beaux jours reviennent ; nous pourrons aller jouer dans la grande cour de l'ancien Mas de la Paillade devenu la Maison pour Tous Léo Lagrange, électron libre dans le système municipal. Je me dis que peut-être maintenant il faut mettre le paquet dans l'apprentissage du texte et des répliques. J'ai compris l'émotion que nous tentons d'induire.

Voilà, la locomotive est lancée, nous allons nous caler sur la grande vitesse de croisière, le jeu en vaut la chandelle. Je crois que l'école de cinéma veut nous filmer et qu'on ne sait trop quoi en penser. Je profite de ce carnet de route pour exprimer que ce serait une trace intéressante, et qu'à ce niveau encore, je suis très positif.

Ça faisait longtemps que j'étais sans travail ; et je suis très heureux d'être claqué chaque fin de semaine. Cette pièce est un peu le voyage du pourquoi pas. Ramer est une évidence. Alors ramons.

mercredi 7 avril 2010

Troisième semaine (du 1er au 7 mars 2010)

"Commentaires et explications jouent à saute-mouton, sur la fin du chant.
Sous-groupe 4 (T, C, N, V, L). - Comme nous - les mots que nous portons au bout de nos bâtons entremêlés sont des êtres vivants.
Sous-groupe 1 (T, C, N, V, L). - Ternes ou bariolés, ils naissent et meurent, comme nous, en remuant, ça, et là, l’opacité des choses. La couleur des tropes et des métaphores témoignera, contre tous les linguistes, des efforts de la langue pour devenir lumière.
De nouveau les spectateurs virtuels se manifestent.
2x1/500 HG. - Trop de lumière risque de nous (et de vous) être néfaste.
1/5 B. - Risque encore plus grand pour le spectateur de ce soir, c’est de se retrouver ivre d’à-peu-près.
1/50 EC 2.000. - ... et cerné par le bruissement d’idées inexprimables qui nous feront signe de loin. Comme dans une fin de soirée, bien arrosée, à la brasserie Carlsberg."

L'opéra probable s'interroge constamment sur son sens, sa finalité. Les spectateurs virtuels interrompent le spectacle, questionnent sa pertinence, les groupes sur scène réagissent en formulant de profondes méditations poétiques sur les rencontres entre mathématiques et résistances, en illustrant aussi leurs propos par le langage du kung fu appliquée au monde des particules élémentaires...

Comme dans une discussion de physiciens à la brasserie Carlberg de Copenhague où Albert Einstein, Louis de Broglie, Paul Dirac, Max Plank, Niels Bohr, Werner Heisenberg, Erwin Schrödinger et les autres se réunissaient, on assiste au spectacle en train de se faire, oppositions et/ou réunions d'opinions (avec comme postulat: la vérité n'existe pas) s'expriment entre scène et salle, débats, enthousiasmes et coups de gueule. Puis reprise du spectacle, à partir des nouvelles propositions de jeu, toujours dans la même intention, comment rendre Jean Cavaillès, résistant, présent sur cette aire de jeu, ici et maintenant?

La qualité du dialogue devient cruciale, les mots appréciés à leur juste (dé)mesure, nous poussons mises en espace et en voix jusqu'en page huit au second chant, offert sous forme de valse, "Le Chant hors toute résurrection". Le maniement des bâtons devient plus audacieux, il nous faut répéter précisément les chorégraphies, le labyrinthe désormais tracé au sol participe à la construction du jeu. Le travail sur scène et à la table s'est articulé entre les séances à la Maison pour tous Léo Lagrange (salle Molière) et Musique sans frontières.

Un soir en atelier plastique au centre social CAF de la Paillade, le groupe, par l'entremise de Thérèse et Khadija, propose la création d'un journal, feuille de chou simple de grand format, pour nous y adresser à un ami, un proche, spectateur susceptible (ou non) de venir nous écouter le soir de la représentation publique. "À la maman de Delphine, Pourquoi le théâtre de Gatti peut ne pas être hermétique", "Le Naufrage du Pourquoi pas? expliqué à mon amie Janik de Haïti par Fredo", etc., etc. La maquette circule, chacun est invité à y déposer un article pigeon voyageur.

Pascal :
Semaine sans émission sur l'éko. Beaucoup de choses se font sur scène ; la danse des animaux, où je suis à la tête avec mon jouet-flûte basse, et mon la la la, devient apparent. Nous sommes tous du bon côté de l'œuvre de Gatti. Idir avait prévenu : maintenant tout va très vite. Les chants se placent, l'avis collectif inconscient est positif ; le soleil nous invite à investir la cour ; les bâtons tournent. Joe sera bien étonnée quand elle rentrera de Paris. Jeudi soir, nous sommes un petit groupe à nous entretenir sur une idée de Thérèse ; rédiger un ou deux ou trois journaux qui seraient distribués à nos spectateurs, ce qui les plongerait dans le bain dès avant la mise en scène. Je sais que Juliette prépare quelque chose sur le regard qu'on porte aux gens qui montrent un handicap. Je pense que Delphine pourrait écrire sur la condition des enfants souffrant de l'autisme. Moâ, je vais faire un truc sur l'école obligatoire. Et peut-être fournir quelques dessins. Je sais que Joe a pris quelques photos. Nous n'avons pas de titre, où plutôt : pourquoi faut-il un titre ?

Et puis nous prenons un peu de temps chaque jour pour un débat sur un fait apparaissant dans la pièce. Nous tentons tous la même expérience. Le respect de l'autre est une priorité. Les voix se gonflent dans la certitude naissante du texte de la traversée des langage. Le pourquoi pas c'est aussi, voire surtout, le pourquoi.

Le kung-fu me fait oublier surpoids, solitude, manque de cause ou impuissance dans la cause. Mais il est vrai que mon arme c'est la musique ; et qu'au fond nous nous réunissons toujours autour de la musique. J'ai toutefois l'intention de continuer la gymnastique chinoise après le mois d'avril qui nous attend bientôt déjà.

Mon texte sur : à qui je m'adresse a fait boum. Il est incorporé. Je n'ai plus qu'à l'apprendre par cœur. Il a fallu un petit temps pour nous mettre en confiance vis à vis du texte, les apprentissages se font vite, une fois que le temps nécessaire trouve une place dans nos demies vies de zombis.

Les repas de midi se font au collège Arthur Rimbaud, et nous en traversons la cour sous les yeux amusés d'une jeunesse toute joyeuse. Le vendredi, c'est un rituel : steak haché, frites. Mais gare à l'élève qui voudrait passer en douce.

Je nous trouve formidables !

mardi 6 avril 2010

Quatrième semaine (du 8 au 14 mars 2010)

"Les Commutatifs. - Nous voici aux premières heures de la nuit. L’équation générale du cinquième degré est insoluble. Mais il existe des cas d’équations de degré moindre qui possèdent des solutions par radicaux : racines carrées, oiseaux qui battent l’espace des théories avec une seule aile.
Recommandations des Hypothétiques.
Les Hypothétiques. - Pour leur répondre, vous n’avez rien d’autre...
Les Commutatifs interrompent.
Les Commutatifs. - ... que le langage à cinq têtes... (NdR : mathématique, physique, poétique, littéraire, philosophique)
Les Hypothétiques. - Et par lui, les dernières heures de la nuit de Galois. “Adieu, j’avais bien de la vie pour le bien public.” Qualité et permanence d’une attitude mise au service d’une réalité nouvelle; Galois est républicain, alors, par définition, révolutionnaire... Faire naître le bien au service du public - et non d’un public pour le bénéfice de quelques uns est la condition nécessaire de la justice sociale. Evariste Galois qui va mourir (21 ans, à peine) n’est pas le héros tragique qui se précipite dans le malheur. Il n’est pas célèbre. Ses pairs ne soupçonnent pas le changement fondamental de méthode que ses travaux annoncent. Il est superbe de générosité quand il annonce “Le cœur, chez moi s’est révolté contre la tête.” C’est l’appel au miroir qui commence."

Cette quatrième semaine, nous laissons de coté les six premières pages de la pièce (p.3 à p.8) travaillées pendant (déjà!) les deux semaines précédentes, et nous nous concentrons sur les huit pages suivantes (p.9 à p.17). Le texte de Gatti s'oriente à présent davantage sur les parcours de Jean Cavaillès dans la Résistance et d'Evariste Galois, républicain sous la Monarchie de Juillet. Ils sont tous les deux morts sous la salve, au petit matin (une exécution militaire pour l'un, un duel truqué pour l'autre). Pour dépasser cette analogie morbide, Gatti nous renvoie constamment à leurs travaux en mathématiques, portant sur la notion de symétrie - devenue essentielle pour les physiciens dans la compréhension du monde des particules élémentaires. L'œuvre scientifique de Galois n'a tenu qu'à un fil: il a rédigé sa théorie des groupes la veille de son duel... Et Cavaillès a rédigé en 1942 son traité de logique dans la prison de la Gestapo à Montpellier (le couvent des Ursulines), un an avant sa mort (il eut quand même le temps de s'évader...). C'est dans ces situations si extrêmes que les deux hommes eurent la révélation de la symétrie.

Photos Christine Oberlinkels

Dès lundi, premiers essais de mise en scène, de chorégraphies avec les bâtons, une nouvelle chanson, "Le Chant de la Symétrie qui s'anonce elle-même" (la troisième composition originale - avec ses accents médiévaux - que Fabien et Héloïse nous apprennent), et un grand poème à déclamer, dit "Le Grand cri supposé"... Son illustration scénique - jeu et posture - est travaillé sur la base du Cri, le tableau d'Edvard Munch, qui nous semble bien répondre au titre et au contenu du poème... Au fur et à mesure de la semaine, nous sentons tous que l'apprentissage du texte devient urgent et impératif, tant la manipulation du bâton est empêtré par la présence de nos feuillets! Et puis, au-delà du corps, c'est le sens qui a du mal à circuler tant que les mots sont lus et ne sont pas connus par cœur, et par chœur. Malgré tout, la logique théâtrale inscrite dans le déroulement de cette expérience artistique se met, peu à peu, en place pour chacun, en fonction de ses acquis, la voix se libère, le corps trouve son aisance sur le plateau et au milieu des autres, etc.

Mardi, quelques tensions, déconcentrations, incompréhensions se manifestent vivement. Notre aventure, et tous les compagnons qu'elle réunit, demeure fragile, tout le monde en prend conscience. Monter un opéra gattien sur les mathématiques pour répondre à la société dans laquelle nous vivons s'avère, en effet, une lutte bien singulière. Chacun retrouve toutefois un espace propre et, pour ma part, je mise sur les prises de conscience que provoque, après coup, la crise. Mercredi, Idir présente au Groupe des Cycliques les marionnettes qu'ils porteront à bout de bras sur de grands bâtons de bois ("Rita la mouette", "Nous Ange disparu", "Celui qui disait Je", "La Synagogue aux yeux bandés", il faudra attendre encore un peu pour découvrir "La Chimère de Saint-Sernin"...). Les draps colorés des marionnettes s'agitent aux moindres mouvements, il est troublant de constater comme l'objet inanimé prend vie. Vendredi, nous recevons le temps d'une répétition qui se devient publique nos premiers visiteurs, nos partenaires de la ville et du conseil général. Ils découvrent la teneur du propos de Gatti et son appropriation par le groupe. Avant de nous quitter le temps du week-end, une discussion s'improvise entre scène et salle sur les enjeux du texte et de sa représentation, réinventant d'une certaine façon le dialogue des spectateurs virtuels avec les comédiens durant le spectacle...


Thérèse :
Semaine d'une démesure noire et lumineuse avec en son coeur un Mardi nu. Se parler et se répondre parfois dans des corps à corps entre deux flocons de neige et sur une piste glissante.

Ca s'écrie.

Il est beau ce texte de Gatti bazar et ce qu'il mêle du côté des nuits virtuelles de tous nos Rimbaud me touche étrangement. Dans les voix qui circulent...On reste encore dans l'incantation et la déclamation du texte...mais se profilent d'autres choses parce qu'on en sent les limites..et vlan pour le on bonbon...

Cette semaine, j'ai relu Beckett oui souvent je relis la fin de l'Innommable et ca fait comme ça: " Il n'y a que ça , il faut continuer,c'est tout ce que je sais, ils vont s'arrêter, je connais ça, je les sens qui me lâchent, ce sera le silence, un petit moment, un bon moment, ou ce sera le mien, celui qui dure, qui n'a pas duré, qui dure toujours, ce sera moi, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu'il y en a, il faut les dire , jusqu'à ce qu'ils me trouvent, jusqu'à ce qu'ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c'est peut-être déjà fait, ils m'ont peut-être déjà dit, ils m'ont peut-être porté jusqu'au seuil de mon histoire, devant la porte qui s'ouvre sur mon histoire, ça m'étonnerait si elle s'ouvre....il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer."

Et voilà l'ouverture du Printemps des poètes.

Pascal :
Semaine avec émission sur l'Eko. Quelques frittages dans la cohorte ; c'est vrai qu'Armand devait venir à Montpellier et n'a pas pu. Alors les enfants terribles portent bien leur nom. Nous sommes à peu près au milieu de l'expérience, même si l'expérience ce sera sur scène que nous la vivrons le plus. Ce que j'aime beaucoup, c'est le repas à la cantine du collège Arthur Rimbaud ; on est là comme des cosmonautes ; les enfants s'interrogent : que viennent-ils faire dans notre cantine toute pourrie ? Eh bien de la résistance. Ouvrons le dictionnaire à la lettre R.

Idir a commencé les pantins que nous portons à l'avant scène. Le cri d'enfant ou d'aigle de Chloé vaut bien les cris de mes flutes. Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres est une idée géniale, nous nous baladons dans un cercle et faisons le plus grand chemin possible. Olivier s'investit dans ce texte fait sur mesure pour sa curiosité du réel. Delphine s'accroche, le Théâtre c'est beaucoup plus dur qu'il n'y paraît. Christine est là, depuis peu, et semble déjà moins décontenancée par l'écriture d'A. Gatti.

Lundi et mardi matin, c'était l'initiation au cirque avec Camille et Chloé. Équilibres, roues, roulades, jongle, portés et petit numéro de clown par celui qui dit je. Les bâtons tournoient dans nos mains. On a commencé des discussions parallèles sur des faits sociaux-politiques. Et comme lundi était la journée internationale des femmes, avec Khadija, nous avons fait un état des lieux.

Et puis, y'a le chant. Ce qui me semblait le plus difficile à mettre en place et qui est une réussite. Nous chantons tous plus ou moins juste ; peut-être quelques arrangements pour qu'on entende mieux les différentes tonalités des voix soprano, alto ou basses. La valse des mathématiques est mélancolique et joyeuse. Sherifa chante et tambourine. Les commutations inter groupes sont acquises. Nous allons donc commencer notre descente dans l'écriture de la pièce, et donc faire des efforts pour un texte par chœur.

Encore un mois d'aventure ; avec je l'espère la venue prochaine de l'auteur dont le regard nous est cher et nous sera précieux.

A la semaine prochaine pour la suite.

lundi 5 avril 2010

Cinquième semaine (du 15 au 21 mars 2010)

"Sous-groupe T (1, 2, 3, 4, 5). - Pour dire l’Inconnu n° 5, les mots des livres sacrés, qui permettaient, à des ancêtres mythiques, de nommer les choses, ont dégénéré en guerre civile des mots qui a culminé dans le siècle à Barcelone, avec l’assassinat de Camilo Berneri, précédé par les trois morts de Buenaventura Durruti. Ils sont nos lumières, dans la détresse d’une guerre attribuée aux étoiles, que nous remplissons d’horloges pour pouvoir y participer (les horloges étant les cercueils que nous habitons.)
(...)
La Chimère de Saint-Sernin. - Ainsi ce soir encore, la guerre civile continue. Déterminisme contre probabilisme, dans chacune de nos rencontres - et au-delà."

Photos Joe Dasnière

Pascal :
Ce fut une fusée, et nous jouons un texte fou, fou d'apporter des réponses à des questions que l'humanité ne se pose pas encore. Ah nous réveillons les morts. 47, recopiée cinq fois. Nexus Mélanie. Labyrinthe post traumatisme. Explosion, explosions, et rien, de plus en plus rien. Que nous, fiers peut-être, debout. Celui qui dit je, pas étonnant qu'il soit un cousin éloigné d'Hubert, qui en fait s'appelle François. Oser un impossible rêve; ah , s'attendrir ; et dans mes visions mathématiques et philosophiques, enjoindre la barrière limitative, abstraite et barbelée, et comme Monsieur Même, marcher sur les murs.

Mais notre traversée est encore Autrechose. Dans les chants basculent et s'élèvent la poésie de Noémie, captée depuis Pékin, la nôtre de poème. Et ça ; pour eux. Nous sommes des bâtisseurs ; voilà l'avenir non ? Je crois que l'aire du à-plat, du great big fucking white man, glisse sous la glace, et que je me fais dire : je veux vivre dans et non sur la terre. Le théâtre comme terrain d'entente. Pas le théâtre bourgeois, payant, snob, théâtral, structurant et idéologique. Le théâtre comme lieu de présentation de ce que les ante-urbains ont à partager, dans leurs équations avec système temps, d'une France brune qui se croit blonde. Et le livre brulé, de quoi brûlerait-il ? Ils sont là. Moi le premier peut-être. J'ai vu tant de choses ; nous voyons tous tant de choses.

Voilà pourquoi j'apprends le texte, pour rien sauf faire vecteur, usant des charmes ou des magies venus comme une colombe sur la main. Tu as bien fait de venir ; j'ai une jolie histoire pour toi.

Ce n'est pas un cadeau d'enfant, convoquer la pensée de Cavaillès. La super symétrie n'est pas cool. Nous sommes des pirates du spectacle, et nos mœurs psychadélithiques, font parler des marionnettes qui cachent momentanément le visage humble des textes, derrière une réalité de corbeaux. Nous sommes les esprits heurtés d'un Monde en guerre. Il y a quelque chose qui se passe derrière le plan des images dont on bombarde nos âmes coca cola. Voir en relief est une numérisation très simple, mais voir quoi ? Tu as eu raison de venir ; nous vous souhaitons une belle traversée. Les vagues commencent à s'organiser. Un grand cri se cache en nous, notre débit : un torrent. Et aucun tour de manivelle pour démarrer cette machine humaine, juste la symétrie de notre perception de la nature.

Les choses se passent bien.

dimanche 4 avril 2010

Sixième semaine (du 22 au 28 mars 2010)

Lien vers le site de Kaina TV

Répétitions chant et Kungfu

Venue d'Armand Gatti à Montpellier du jeudi 25 au samedi 27 mars!

Thérèse :
Une semaine solaire et magnétique avec la présence d'Armand Gatti. Merci la vie.

Ce qu'il met au monde avec nous, dans son regard garde force, trace...celle de se tenir face à l'abîme pour y construire des cathédrales de mots...

Et puis les rires, les chants, la chaleureuse tendresse d'un homme debout, ça irradie.
Fabriquer un théâtre de sens avec nos corps le livre à la main et les corps capables de s'enlacer et les mains d'être utiles.

Notre embarcation faite de nos corps, de bric et de broc, de nos maladresses n'a pas coulé... elle a même tenu ensemble... pour un voyage au long cours, il va falloir quelques reprises... à l'oiseau voilier.

Qu'est ce que ça va faire quand "les pensées seront des oiseaux et le langage un arbre"??

Khadija :
J’ai longtemps cherché des traces de mon passage. Nulle part, je ne me suis retrouvée….Et me voilà embarquée depuis 2 mois dans une traversée des langages. Où vais-je atterrir, je l’ignore. Le langage peut-il me permettre de me retrouver ? Question philosophique, ou spirituelle ? Deux langages pour me conduire vers une vérité, ma vérité ponctuelle.

A force de regarder mes compagnons de fortune, dans l’expérience Gatti, j’ai repéré plusieurs langages pour dire et faire dire nos souffrances, nos peines, nos joies, nos colères, nos incompréhensions, notre fraternité, notre tolérance et parfois notre indifférence, notre solidarité, enfin notre humanité.

- Langage non verbal : par le regard, les gestes, les mimiques, les silences. Celui qui n’utilise pas les mots. Le mot comme média, est absent, pour annoncer l’intention, signifier à l’autre notre émotion, notre perception mouvante souvent inexprimable pour nous-mêmes. Langage pour celui qui craint de dire et de se reprendre car les mots sont importants et, une fois dits, peuvent être des armes redoutables. Ce qui rend signifiant et significatif toute rencontre, toute interaction entre personnes.

Comment interpréter alors la façon dont l’autre me regarde (regard hostile, bienveillant) ? Nous savons que nous n’existons que dans le regard de l’autre. Comment recevoir l’absence de salut entre nous quand nous nous retrouvons après un, deux voire plusieurs jours…. Je n’existe pas ! Et parfois une effusion de gestes tendres, chaleureux qui disent notre maladresse à rester nous-mêmes face aux autres, à nous accepter tels que nous sommes pour accueillir l’autre. Des paroles douces qui cautérisent les plaies.

Que produit l’expérience en chacun d’entre nous ? Ce n’est pas dit, pas discuté, pas vu…Nous passons alors à des élucubrations intellectuelles, mathématiques. Celles là sont très présentes.

- Langage par les mathématiques : bon nombre d’entre nous ne comprennent pas ce langage, nous le trouvons souvent impénétrable, énigmatique, froid et abstrait. Mathieu a tenté plusieurs fois de nous rendre les mathématiques plus accessibles.

Comment les mathématiques peuvent-elles dire qui nous sommes ? Conditionner ce qui nous entoure, nous enlace dans un mouvement sinueux ? Nous avons bâti des murs, des maisons et des cathédrales grâce aux mathématiques ; nous avons créé des modèles, nous sommes allés dans l’espace explorer les astres grâce aux mathématiques.

Les nombres premiers sont positifs, ils permettent de prolonger les relations, d’aller vers…Les fractions, les nombres décimaux sont négatifs. Je n’ai pas tout compris, mais il est étrange qu’on explique sa relation amoureuse par une équation mathématique.

- Langage ordinaire : imprécis, chargé d’affect, souvent il exprime notre difficulté à dire nos émotions, nos pensées passagères, mouvantes, aériennes, alors nous meublons avec le banal. Le langage commun qui permet la relation réciproque, le commencement d’une rencontre.

- Langage poétique : qui nous mène vers, comme un fil qui se tend. Le non mesurable, le subjectif, qui part à la recherche d’un fondement unitaire où l’être apparaît dans sa présence à un monde mythique, affectif. Celui de Gatti dans ses gestes et ses textes, celui d’Idir à travers sa peinture, celui de Pascal dans son adresse, celui de Thérèse sur le blog de la traversée qui parle d’arbres et d’oiseaux, celui des regards amusés des uns et des autres, celui d’Olivier qui a l’air d’être ailleurs.

Sur un banc, ils se sont installés tous les trois devant le miroir pour être interviewés : l’un portait un chapeau, le second avait une écharpe orange et le troisième des lunettes et ils se passent le micro aussi minuscule qu’un insecte ; ils racontent Gatti, l’expérience. Un tableau digne de la traversée, proprement poétique.

Que disent les comportements de fuite devant les conflits, les éclats de paroles, les gestes brusques, voire violents ; devant les attitudes d’indifférence face à la difficulté de l’autre quand il n’arrive même pas à l’exprimer ? « Il faut plus d’écoute entre nous, il n’y a pas de création possible sans écoute » nous explique Fredo.

Certains abandonnent le navire en pleine vitesse de croisière, ce qui interroge le sens de leur engagement. D’autres résistent. Pourtant, le questionnement persiste : « qu’est-ce que je fais là ? Devrais-je continuer ? Mais je ne le sens pas, …j’oublie mes répliques, pourtant je les connais par cœur…. Non, non, il n’y a aucune émotion qui se dégage… »

Que dit notre incapacité à être présent dans des moments exceptionnels, des instants de pur bonheur avec Gatti qui donne, généreusement tout, sans rien exiger en retour ?

Pourtant, l’émotion est bien là, elle nous enlace, nous englobe ; elle est perceptible, à fleur de peau dans nos éclats de rire, dans nos crises, dans les larmes de certains, dans la colère des uns et des autres, dans notre chant, dans notre respiration…Nous sommes tous atteints. Nous cherchons, un peu perdus par ce qui nous arrive, ce qui nous met dans tel état. C’est que le texte nous parle, nous pénètre malgré nous, en dépit de notre résistance à le saisir et à se l’approprier. Le texte s’introduit en nous et nous travaille.

C’est un cheminement de soi, de soi vers soi, et de soi vers les autres, m’explique Gatti. Le contenu humain donne du sens. « Les mots vont vous réchauffer…Magie des mots, les mots des émancipations, des créativités qui rendent le monde relationnel plus acceptable».

Ce qui explique pourquoi je me retrouve là.

Gatti a réussi…Il a semé quelques graines de résistance en nous.

samedi 3 avril 2010

Septième semaine (du 29 mars au 4 avril 2010)


Reportage Tip Top, journal et web-tv du service de la jeunesse de la Ville de Montpellier. Voir la vidéo depuis le site de Tip Top.


photos Dominique Leblon

Thérèse :
Regarder et rien d'autre.
Regarder encore et encore: le regard est accroché.
Il commence à s'accrocher, fixe des gravitations.
Le regard de Dominique, la visiteuse du Vendredi aux yeux verts, est venu dessiner nos contours.
Il y a quelque chose qui se dégage et devient de plus en plus net.
On mange des yeux le visage lumineux de Sarah qui absorbe la lumière près de l'homme de l'ombre.
Celui d'Yves tendu dans l'écoute de Khadidja qui donne son texte.
Et on glisse petit à petit le long de la traversée de Nico qui donne le la, de part en part.
Puis bras écartés, fait, avec la puissance érigée de l'arbre, le plus beau casse du ciel.

Il y a l'homme, et la femme qui est, "dans tous les livres sacrés, depuis la Genèse, comme dans la pratique, inséparable de l'aventure de l'homme".

Il y l'autre surtout, différent, dans la dérangeté de sa différence et, parfois l'effet de rencontre sur le plateau.

Côte à côte des fragments d'être étrangers l'un à l'autre... et puis, dans les yeux, des flux de tensions, les courants qui font battre le sens et la poésie du texte qui donne son sang.

Ils ont à voir ensemble.
Quoi donc????????

L'imperceptible sensation de l'autre.
Risquer de l'autre.
Le ballet des regards.

Mi-amusé, en colère,
en pleurs, sourire, résistant, œil de biche, clair-obscur...

Merci à Dominique la spectatrice non virtuelle.

Yves :
Cette semaine, on file. Entre les rires et les cris, je me faufile le long des murs noirs. Heureusement, les miroirs ne parlent plus. Savoir où mettre ses mains, même l'ancien testament, dans la Génèse, n'en parle pas. Avec qui me mettre, dorénavant, en symétrie? En asymétrie, en transsymétrie, en dissymétrie? L'écoute reste fragile, et dans le groupe se pointent quelques travers de l'espèce humaine. Et alors? On est là pour ça, non? Ce n'est pas parce que cette semaine, un journaliste "culturel" m'a dit que j'étais un garçon obscène que je vais arrêter tout et me mettre dans le trou définitif! Pas encore, allons quelques jours quelques heures, quelques cris pour vérifier... On va droit vers la répétition publique, on fait avec les présences volatiles, on travaille le chant des oiseaux, les couleurs... Tempête ou calme plat, tout est possible, génial!

Pascal :
Il s'agit absolument de faire ce que nous ne savons pas faire. Les cours de théâtre ne servent à rien, salle Molière. On se regarde, au bord de sa peur de l'autre, on plane et tout ne fait plus que descendre. Il y a des moments précieux, des tristesses, des abandons, des heurs, des vérités, mais c'est l'amitié qui fait fil. Ça fait un moment qu'on a commencé ce boulot. La visite d'Armand Gatti, a forgé nos efforts et tout cela ne l'a pas complètement déçu. Peut-être un peu plus de bagarre sur l'aire de jeu, un peu plus de réalité psychologique. On n'est pas là pour se planquer. On est là pour la lumière d'une activité historique, Galois ne rencontra-t-il pas Gérard de Nerval, dans une cellule de la prison Sainte Pélagie. Nous sommes la proposition d'alternatives. Nous sommes là pour ceux qui croient la Terre plate, et ceux qui défendent cette erreur, en parlant de crime, trop tard bien souvent. Et pourtant des crimes sont commis par milliers chaque jour, il y a des défenestrations plus ou moins philosophiques ou mathématiques. Nous ponctuons l'arrivée du chant des oiseaux par un largage de 15 parachutistes virtuels. Tout se tient vaille que vaille. Peut-être plus que deux trois catastrophes à venir. Mon cerveau corvidé se marre. Le bloc est dur, nous avons une responsabilité personnelle forte vis à vis des camarades, qu'un seul lâche il faut tenir quand même. Je commence à comprendre. Nous vivons les réminiscences du contact avec le fascisme quotidien. Voilà ce que ça nous fait : tout ça. Voilà ce que c'est, le fascisme ordinaire, nous voulons capturer le public, pour mieux le rendre à lui même. Nous avons besoin d'y voir plus clair dans l'obscurité sinistre des génocides, de l'esclavage, du colonialisme, du romantisme et de la sauvagerie machiste perdurant. La mauvaise herbe repousse toujours. Le 5, c'est la faux. La mémoire est un tomahawk qu'on enterre ou déterre selon. Sans communisme la tombe se referme sur toutes les formes de la songerie. La paranoïa américaine a de beaux jours. Il faudrait peut-être trouver des solutions thérapeutiques, pour ces pauvres imbéciles de cul terreux versus troisième millénaire. Nous portons un dolmen. Les paroles qui disent la résistance en espace temps, pollenisent les joints les plus lointains ; nous parlons, et nous ne parlons que de réel.

L'expérience est maintenant à 18 000 pieds et les moteurs tournent bien.
Plus que dix jours avant démonstration. Tentons de nous séparer en trois dimensions interactives, signalons que la symétrie est une portion d'une autre symétrie. Nous approchons de l'objet science. Les choses deviennent paroles.

vendredi 2 avril 2010

Huitième semaine (du 5 au 11 avril 2010)


Photos Dominique Leblon

Khadija :
Écoute, ce chant qui vient d'ailleurs.
Écoute, le rugissement de la tempête.
Écoute, le frémissement des feuilles.
Écoute, le murmure de la mer,
et regarde l'ondoiement des vagues.

« C'est un langage à cinq têtes ».
Il nous parle, il véhicule la règle de la transmission orale. Que dit-il ?

Il raconte l'histoire des hommes, leurs errements, leurs failles, leurs inquiétudes, leurs triomphes, leurs épreuves et leur élévation.

Écoute et devine le chant : le chant de l'élégance ailée, une voie qui porte loin.
Impénétrable, il a le talent de nous émouvoir.
Concert discordant, sons flutés, mélodieuses vocalises ; une symphonie au sein de l'écorce intime.
Il est l'expression de l'énergie qui vivifie la terre.
Le chant des oiseaux nous pénètre et nous transporte vers les cieux.
Chante cet air de liberté. Il tisse le lien entre les hommes.

Regarde et suit l'oiseau dans son envol, il exalte l'esprit et permet de saisir les sens.
Frissonnement et suspension de l'effleurement, le vent du regard dépouille.
Les oiseaux chantent , les feuilles dansent.
Appuie toi sur un arbre, son élancement véhicule le souffle de la vie. Il est le cordon entre le visible et l'invisible, entre le trouble et la clarté.

La grâce n'est pas de notre regard, c'est notre regard qui ne sait pas la voir.

Notre traversée tire à sa fin.
De la rive où je me trouve, je regarde le parcours de 2 mois d'expérience sur soi et sur les autres. Apprivoiser ses démons et faire confiance au groupe...Alors, l'éveil devient possible, enchanteur et la découverte de la lumière peut nous émanciper.

Une danse s'esquisse sur la rive d'arrivée de notre traversée des langages : il a fallu un arrangement avec le langage de l'autre, le prendre sur soi, en faire un allié. Il a fallu des tensions, des larmes, des rires, des discussions amicales, des heurts, des explications savantes, des échanges savoureux, des rencontres lumineuses, et puis des exploits sur soi....Ah, quelle belle aventure!

Alors chante avec l'oiseau de la libération.

Yves :
Une question, lors du débriefing de Vendredi 9 Avril 2010. Qu'est ce qu'on fait Jeudi prochain, si quelqu'un ne vient pas?
Une belle question, isnt'it?
En voilà d'autres, dans le désordre.
Qu'est ce qu'on fait, si elle, ou lui, ne sait pas son texte? Si un bâton se casse?
Qu'est ce qu'on fait si un vol de corbeaux, à la recherche de l'oiseau bariolé, fait irruption dans le théâtre?
Qu'est ce qu'on fait si on change le texte à la dernière seconde? Si j'ai envie de pisser? Si la brise marine nous enlève? Qu'est ce qu'on fait si on ne sait plus rien faire, si nos histoires d'amour se déchiquètent, si la patience a des limites, ou n'en a plus, si l'autre me regarde de travers, si la météo est mauvaise, s'il fallait tout recommencer depuis le début, si personne ne comprends jamais rien à rien, si la solitude est totale, si la connerie n'a pas d'âge, qu'est ce qu'on fait si le soleil ne nous éclaire plus, si mon voisin ne me souris plus, si mon amour se barre, si quand tu me parles je me gratte le nez de désespoir, si je ne supporte pas tes chaussettes rouges, mais bordel, tu vas la fermer cette putain de porte, non, qu'est ce que je fais si il ne veut pas la fermer, cette putain de porte, qu'est ce qu'on fait si Gille de Rais réapparaît, mais c'est qui ce mec, Gilles de Rais, jamais entendu parler, qu'est ce qu'on fait si on ne sait plus résoudre l'équation du sixième degré, et si la concierge n'est plus dans l'escalier, qu'est ce qu'on fait, qu'est ce qu'on fait si ton regard ne brille plus, qu'est ce qu'on fait si tu m'insultes, si tu ne m'apportes plus de fleurs rouges, si tu me trompes, s'il fait glacial en plein été, si je tombe en pleine mer du bateau et que la bouée est introuvable, qu'est ce qu'on fait si la serrure se casse, si les dinosaures reviennent foutre un bordel d'enfer sur les champs élysées, qu'est ce qu'on fait si on oublie tout ce qu'on croyait savoir, si nos cellules disparaissent en choeur, si le parfum des roses s'avère être une imposture, si on ne raconte plus d'histoires aux enfants, qu'est ce qu'on fait si le big bang devient à nouveau incompréhensible, si la pomme de Newton ne tombe plus par terre mais s'envole, si le kilo de bananes frôle les dix euros, qu'est ce qu'on fait si je ne te comprens plus, si tu te précipites du haut de la falaise, qu'est ce qu'on fait si je ne veux plus me lever le matin, et si je me lève le soir, si je me taille à perpète, si je me recouvre de cendres, qu'est ce qu'on fait si la poésie n'intéresse plus personne, si l'amour est rayé de la certe, si les gazés reviennent nous hanter la nuit, qu'est ce qu'on fait si il faut te mettre une sonde urinaire, s'il n'y a plus de pâqueretes au Printemps, si Madame Charles colporte des rumeurs infondées sur toi, si ta mère se retourne dans sa tombe, qu'est ce qu'on fait si on ne sait plus traduire les mots solidarité, fraternité, parce qu'ils ont disparu, hein, tu vas me dire ce qu'on fait?
Alors qu'est ce qu'on fait si tu ne réponds jamais à mes questions?




Thérèse :
Réveille toi.
Ca piaffe de tous les côtés...y'a lezoiseaux et le réveil le printemps quoa... oui réveille toi même entre les gouttes... Oui réveille-toi "l'autre sans qui je meurs."
Avec des paroles fortes
Celles qui ne rusent pas
Qui disent des choses pas édulcorées,
la catharsis rouge et noire...
C'est fini ce qui tourne en rond reflété dans le miroir quand ça fait joli, mensonges et mise à nu.
J'inverse le regard, je cherche le tien.
Tu innerves déjà dans mes pieds le battement de tes pas, de ton combat.

Toi qui "viens des gestes lumineux des taos pour dire la longue lutte entre l'équilibre et le déséquilibre, le fini et l'infini, l'en deçà et l'au delà."

jeudi 1 avril 2010

Neuvième semaine (du 12 au 16 avril 2010)



Khadija :
Nous sommes le 15 avril, le grand jour pour les participants à l'expérience... au théâtre Jean Vilar, à Montpellier.

La pression est à son comble mais l'ambiance est bonne enfant... quelques victuailles trainent par ci, par là.... Chloé n'a pas mangé de toute la journée, alors elle reprend des forces avant la bataille.
Martine a amené sa trousse de maquillage et elle s'improvise maquilleuse de tout le groupe, après avoir été chauffeur d'Armand Gatti.
Nous nous complimentons les uns les autres « tu es belle, on dirait une reine égyptienne ». Pourtant elle est la chimère de Saint Sernin dans la pièce. Quel rapport ? On n'en sait rien, juste le fait du hasard, non, plutôt l'expression de nos émotions de l'instant. Toutes les tensions qui ont existé entre nous s'estompent, nous sommes UN.
Elles sont toutes belles, chacune a son style, ils sont tous charmants et nous encouragent, nous consolent parfois comme ils peuvent…. On se communique les énergies positives, notre affection les uns pour les autres.... Chaque sous groupe se consolide, se donne des forces comme si on allait entrer dans un stade de rugby.
Héloise nous fait une séance de relaxation.... Juste avant l'entrée en scène, on se regroupe, on fait bloc, avec nous toute l'équipe (Marco, Fabien, Matthieu, Fredo, Héloise), Yves dit « je voudrai vous poser juste une question ? », je ne me rappelle pas la question, en revanche je sais que nous avons répondu par une même voix OUI.
Personne ne manque à l'appel, tous sont là, prêts à sauter le pas et à devenir l'Expérience de Montpellier.
Il est 19h, le public est devant les portes du théâtre, les spectateurs virtuels se placent, derrière eux Armand Gatti qui insuffle sa force tranquille. Il est là le grand Gatti dans un théâtre qui porte le nom de celui qui lui a donné sa chance, la possibilité de présenter sa première pièce iconoclaste, dérangeante à l'époque.
« J'ai l'impression que je ne connais plus mon texte, je crains de tousser en plein jeu », « C'est normal, ne t'inquiète pas », me dit Céline.
Les mains dans les mains comme un seul homme, assis au premier rang, nous, spectateurs virtuels communiquons par vibration et Yves nous invite à rester concentrés.
Et puis l'heure a sonné. Les amis, que nous avons conviés, pénètrent à l'intérieur, ils sont nombreux et cela fait plaisir. Leur affection nous fait du bien, nous porte tout au long du spectacle. Nous allons donner le meilleur de nous mêmes.
S'éteignent les lumières et le chant commence « les yeux des mots », du chanteur égyptien et engagé Cheikh Imam :

Quand le soleil se noie dans une mer de nuages
Que s’étend sur le monde une vague de ténèbres
Que meurt le regard dans les yeux et les consciences
Que se perd le chemin en détours et méandres
Toi qui marches, qui cherches, qui comprends
Tu n’as plus d’autre guide que les yeux des mots
(traduction faite par une amie Dahbia Foudili).

Se lance la farandole des animaux de la Traversée des langages et le spectacle commence.
On y est.... pendant une heure et demie, sans interruption et le plus surprenant tout le monde connait son texte ; moi je n'ai pas toussé une seule fois. Impressionnant!
La fin, les lumières s'allument et applaudissements du public. Nous avons réussi l'expérience. Cela nous fait un bien fou.
Demain, un autre jour, une autre représentation.

« Mais que deviendrons nous après ? », question posée, par Delphine, qui n'a pas eu de réponse.
La réponse est sans doute dans ce que nous a appris l'expérience et le groupe sur nous mêmes. Je ne résiste pas à vous faire partager ce texte adressé à Yves et qui n'a pas été publié.

"Deux sémites au milieu de la Traversée."

Détruisons les murs qui nous séparent et édifions des ponts entre nos cultures, nos religions, nos croyances, nos langues, nos héritages si différents.
Un pont qui s’érige fait moins de bruit qu’un mur qui tombe.
La construction d’un mur ne sollicite aucune fantaisie, il suffit d’honorer la loi de la pesanteur.
Les murs aveuglent, impliquent des camps d’internement et confortent les rancœurs.
L’édification des ponts stimule les grandes fraternités, parce qu’il faut vaincre la résistance de la pesanteur.
Un pont qui s’érige fait moins de bruit qu’un mur qui tombe.
Des murs se lèvent : les murs des idéologies, des idées préconçues, des douleurs, des dédains, des animosités, des hostilités….
Des murs des divisions, des murs des répulsions.
Comment résoudre alors la difficile équation du lien rompu, cassé ?
Un pont qui s’érige fait moins de bruit qu’un mur qui tombe.
Les ponts permettent de relier deux rives séparées par les remous envahissants des mers.
Il faudra passer un pacte avec les océans pour que se façonnent d’autres existences contre les courants tumultueux, dévastateurs.
Un pont qui s’érige fait moins de bruit qu’un mur qui tombe.
Des murs s’écroulent sous la poussée de la résistance.
Pour que les peuples puissent se croiser, échanger, se découvrir, s’écouter pour se comprendre et s’accorder.
Un pont qui s’érige fait moins de bruit qu’un mur qui tombe.
Faisons démolir tous les murs des dissensions et construisons des ponts de réconciliation.
Les ponts encouragent la traversée des barrières, des démarcations.
Jetons des passerelles entre les différentes cultures, pour recoudre les fils du dialogue.
Un pont qui s’érige fait moins de bruit qu’un mur qui tombe.
La marche des hommes est toujours plus puissante que l’architecture des murs.
Les murs entrainent les contournements comme tout enfermement. Ils convient à la rébellion, à la désobéissance…. A objecter, à explorer des idées, à refuser le compromis. A RESISTER.
Un pont qui s’érige fait moins de bruit qu’un mur qui tombe.