Des habitants du quartier et de la ville, Alban, Alexandre, Anina, Camille, Céline, Charifa, Christine, Chloé, Clorinda, Delphine, Élise, Fabien, Flora, Frédérick, Haciba, Héloïse, Idir, Isadora, Jalila, Joe, Kelly, Khadidja, Marina, Matthieu, Nathalie, Nicolas, Olivier, Pascal, Sarah, Thérèse, Yves, Zouhal, qu'il soient étudiants ou autodidactes, travailleurs ou chômeurs, nés français ou d'adoption, hommes et femmes de tout âge (de 17 à 65 ans...) se sont retrouver pendant neuf semaines pour monter une pièce de théâtre d'Armand Gatti, issue de la Traversée des langages, au théâtre Jean Vilar de Montpellier...

Cet atelier a réuni 25 Montpelliérains et les 6 membres de l'association Idéokilogramme. Nous avons travaillé dans le quartier Mosson-Paillade, à la Maison pour tous Léo-Grange, au centre social de la Caisse d'Allocations Familiales et dans les locaux de l'association Musique sans frontières.

Ce projet a reçu le soutien de la Ville de Montpellier, du Conseil Général de l'Hérault, du Conseil Régional Languedoc-Roussillon et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon. Nous vous invitons à lire le dossier de présentation de l'atelier.

dimanche 4 avril 2010

Sixième semaine (du 22 au 28 mars 2010)

Lien vers le site de Kaina TV

Répétitions chant et Kungfu

Venue d'Armand Gatti à Montpellier du jeudi 25 au samedi 27 mars!

Thérèse :
Une semaine solaire et magnétique avec la présence d'Armand Gatti. Merci la vie.

Ce qu'il met au monde avec nous, dans son regard garde force, trace...celle de se tenir face à l'abîme pour y construire des cathédrales de mots...

Et puis les rires, les chants, la chaleureuse tendresse d'un homme debout, ça irradie.
Fabriquer un théâtre de sens avec nos corps le livre à la main et les corps capables de s'enlacer et les mains d'être utiles.

Notre embarcation faite de nos corps, de bric et de broc, de nos maladresses n'a pas coulé... elle a même tenu ensemble... pour un voyage au long cours, il va falloir quelques reprises... à l'oiseau voilier.

Qu'est ce que ça va faire quand "les pensées seront des oiseaux et le langage un arbre"??

Khadija :
J’ai longtemps cherché des traces de mon passage. Nulle part, je ne me suis retrouvée….Et me voilà embarquée depuis 2 mois dans une traversée des langages. Où vais-je atterrir, je l’ignore. Le langage peut-il me permettre de me retrouver ? Question philosophique, ou spirituelle ? Deux langages pour me conduire vers une vérité, ma vérité ponctuelle.

A force de regarder mes compagnons de fortune, dans l’expérience Gatti, j’ai repéré plusieurs langages pour dire et faire dire nos souffrances, nos peines, nos joies, nos colères, nos incompréhensions, notre fraternité, notre tolérance et parfois notre indifférence, notre solidarité, enfin notre humanité.

- Langage non verbal : par le regard, les gestes, les mimiques, les silences. Celui qui n’utilise pas les mots. Le mot comme média, est absent, pour annoncer l’intention, signifier à l’autre notre émotion, notre perception mouvante souvent inexprimable pour nous-mêmes. Langage pour celui qui craint de dire et de se reprendre car les mots sont importants et, une fois dits, peuvent être des armes redoutables. Ce qui rend signifiant et significatif toute rencontre, toute interaction entre personnes.

Comment interpréter alors la façon dont l’autre me regarde (regard hostile, bienveillant) ? Nous savons que nous n’existons que dans le regard de l’autre. Comment recevoir l’absence de salut entre nous quand nous nous retrouvons après un, deux voire plusieurs jours…. Je n’existe pas ! Et parfois une effusion de gestes tendres, chaleureux qui disent notre maladresse à rester nous-mêmes face aux autres, à nous accepter tels que nous sommes pour accueillir l’autre. Des paroles douces qui cautérisent les plaies.

Que produit l’expérience en chacun d’entre nous ? Ce n’est pas dit, pas discuté, pas vu…Nous passons alors à des élucubrations intellectuelles, mathématiques. Celles là sont très présentes.

- Langage par les mathématiques : bon nombre d’entre nous ne comprennent pas ce langage, nous le trouvons souvent impénétrable, énigmatique, froid et abstrait. Mathieu a tenté plusieurs fois de nous rendre les mathématiques plus accessibles.

Comment les mathématiques peuvent-elles dire qui nous sommes ? Conditionner ce qui nous entoure, nous enlace dans un mouvement sinueux ? Nous avons bâti des murs, des maisons et des cathédrales grâce aux mathématiques ; nous avons créé des modèles, nous sommes allés dans l’espace explorer les astres grâce aux mathématiques.

Les nombres premiers sont positifs, ils permettent de prolonger les relations, d’aller vers…Les fractions, les nombres décimaux sont négatifs. Je n’ai pas tout compris, mais il est étrange qu’on explique sa relation amoureuse par une équation mathématique.

- Langage ordinaire : imprécis, chargé d’affect, souvent il exprime notre difficulté à dire nos émotions, nos pensées passagères, mouvantes, aériennes, alors nous meublons avec le banal. Le langage commun qui permet la relation réciproque, le commencement d’une rencontre.

- Langage poétique : qui nous mène vers, comme un fil qui se tend. Le non mesurable, le subjectif, qui part à la recherche d’un fondement unitaire où l’être apparaît dans sa présence à un monde mythique, affectif. Celui de Gatti dans ses gestes et ses textes, celui d’Idir à travers sa peinture, celui de Pascal dans son adresse, celui de Thérèse sur le blog de la traversée qui parle d’arbres et d’oiseaux, celui des regards amusés des uns et des autres, celui d’Olivier qui a l’air d’être ailleurs.

Sur un banc, ils se sont installés tous les trois devant le miroir pour être interviewés : l’un portait un chapeau, le second avait une écharpe orange et le troisième des lunettes et ils se passent le micro aussi minuscule qu’un insecte ; ils racontent Gatti, l’expérience. Un tableau digne de la traversée, proprement poétique.

Que disent les comportements de fuite devant les conflits, les éclats de paroles, les gestes brusques, voire violents ; devant les attitudes d’indifférence face à la difficulté de l’autre quand il n’arrive même pas à l’exprimer ? « Il faut plus d’écoute entre nous, il n’y a pas de création possible sans écoute » nous explique Fredo.

Certains abandonnent le navire en pleine vitesse de croisière, ce qui interroge le sens de leur engagement. D’autres résistent. Pourtant, le questionnement persiste : « qu’est-ce que je fais là ? Devrais-je continuer ? Mais je ne le sens pas, …j’oublie mes répliques, pourtant je les connais par cœur…. Non, non, il n’y a aucune émotion qui se dégage… »

Que dit notre incapacité à être présent dans des moments exceptionnels, des instants de pur bonheur avec Gatti qui donne, généreusement tout, sans rien exiger en retour ?

Pourtant, l’émotion est bien là, elle nous enlace, nous englobe ; elle est perceptible, à fleur de peau dans nos éclats de rire, dans nos crises, dans les larmes de certains, dans la colère des uns et des autres, dans notre chant, dans notre respiration…Nous sommes tous atteints. Nous cherchons, un peu perdus par ce qui nous arrive, ce qui nous met dans tel état. C’est que le texte nous parle, nous pénètre malgré nous, en dépit de notre résistance à le saisir et à se l’approprier. Le texte s’introduit en nous et nous travaille.

C’est un cheminement de soi, de soi vers soi, et de soi vers les autres, m’explique Gatti. Le contenu humain donne du sens. « Les mots vont vous réchauffer…Magie des mots, les mots des émancipations, des créativités qui rendent le monde relationnel plus acceptable».

Ce qui explique pourquoi je me retrouve là.

Gatti a réussi…Il a semé quelques graines de résistance en nous.

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