Des habitants du quartier et de la ville, Alban, Alexandre, Anina, Camille, Céline, Charifa, Christine, Chloé, Clorinda, Delphine, Élise, Fabien, Flora, Frédérick, Haciba, Héloïse, Idir, Isadora, Jalila, Joe, Kelly, Khadidja, Marina, Matthieu, Nathalie, Nicolas, Olivier, Pascal, Sarah, Thérèse, Yves, Zouhal, qu'il soient étudiants ou autodidactes, travailleurs ou chômeurs, nés français ou d'adoption, hommes et femmes de tout âge (de 17 à 65 ans...) se sont retrouver pendant neuf semaines pour monter une pièce de théâtre d'Armand Gatti, issue de la Traversée des langages, au théâtre Jean Vilar de Montpellier...

Cet atelier a réuni 25 Montpelliérains et les 6 membres de l'association Idéokilogramme. Nous avons travaillé dans le quartier Mosson-Paillade, à la Maison pour tous Léo-Grange, au centre social de la Caisse d'Allocations Familiales et dans les locaux de l'association Musique sans frontières.

Ce projet a reçu le soutien de la Ville de Montpellier, du Conseil Général de l'Hérault, du Conseil Régional Languedoc-Roussillon et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon. Nous vous invitons à lire le dossier de présentation de l'atelier.

mardi 6 avril 2010

Quatrième semaine (du 8 au 14 mars 2010)

"Les Commutatifs. - Nous voici aux premières heures de la nuit. L’équation générale du cinquième degré est insoluble. Mais il existe des cas d’équations de degré moindre qui possèdent des solutions par radicaux : racines carrées, oiseaux qui battent l’espace des théories avec une seule aile.
Recommandations des Hypothétiques.
Les Hypothétiques. - Pour leur répondre, vous n’avez rien d’autre...
Les Commutatifs interrompent.
Les Commutatifs. - ... que le langage à cinq têtes... (NdR : mathématique, physique, poétique, littéraire, philosophique)
Les Hypothétiques. - Et par lui, les dernières heures de la nuit de Galois. “Adieu, j’avais bien de la vie pour le bien public.” Qualité et permanence d’une attitude mise au service d’une réalité nouvelle; Galois est républicain, alors, par définition, révolutionnaire... Faire naître le bien au service du public - et non d’un public pour le bénéfice de quelques uns est la condition nécessaire de la justice sociale. Evariste Galois qui va mourir (21 ans, à peine) n’est pas le héros tragique qui se précipite dans le malheur. Il n’est pas célèbre. Ses pairs ne soupçonnent pas le changement fondamental de méthode que ses travaux annoncent. Il est superbe de générosité quand il annonce “Le cœur, chez moi s’est révolté contre la tête.” C’est l’appel au miroir qui commence."

Cette quatrième semaine, nous laissons de coté les six premières pages de la pièce (p.3 à p.8) travaillées pendant (déjà!) les deux semaines précédentes, et nous nous concentrons sur les huit pages suivantes (p.9 à p.17). Le texte de Gatti s'oriente à présent davantage sur les parcours de Jean Cavaillès dans la Résistance et d'Evariste Galois, républicain sous la Monarchie de Juillet. Ils sont tous les deux morts sous la salve, au petit matin (une exécution militaire pour l'un, un duel truqué pour l'autre). Pour dépasser cette analogie morbide, Gatti nous renvoie constamment à leurs travaux en mathématiques, portant sur la notion de symétrie - devenue essentielle pour les physiciens dans la compréhension du monde des particules élémentaires. L'œuvre scientifique de Galois n'a tenu qu'à un fil: il a rédigé sa théorie des groupes la veille de son duel... Et Cavaillès a rédigé en 1942 son traité de logique dans la prison de la Gestapo à Montpellier (le couvent des Ursulines), un an avant sa mort (il eut quand même le temps de s'évader...). C'est dans ces situations si extrêmes que les deux hommes eurent la révélation de la symétrie.

Photos Christine Oberlinkels

Dès lundi, premiers essais de mise en scène, de chorégraphies avec les bâtons, une nouvelle chanson, "Le Chant de la Symétrie qui s'anonce elle-même" (la troisième composition originale - avec ses accents médiévaux - que Fabien et Héloïse nous apprennent), et un grand poème à déclamer, dit "Le Grand cri supposé"... Son illustration scénique - jeu et posture - est travaillé sur la base du Cri, le tableau d'Edvard Munch, qui nous semble bien répondre au titre et au contenu du poème... Au fur et à mesure de la semaine, nous sentons tous que l'apprentissage du texte devient urgent et impératif, tant la manipulation du bâton est empêtré par la présence de nos feuillets! Et puis, au-delà du corps, c'est le sens qui a du mal à circuler tant que les mots sont lus et ne sont pas connus par cœur, et par chœur. Malgré tout, la logique théâtrale inscrite dans le déroulement de cette expérience artistique se met, peu à peu, en place pour chacun, en fonction de ses acquis, la voix se libère, le corps trouve son aisance sur le plateau et au milieu des autres, etc.

Mardi, quelques tensions, déconcentrations, incompréhensions se manifestent vivement. Notre aventure, et tous les compagnons qu'elle réunit, demeure fragile, tout le monde en prend conscience. Monter un opéra gattien sur les mathématiques pour répondre à la société dans laquelle nous vivons s'avère, en effet, une lutte bien singulière. Chacun retrouve toutefois un espace propre et, pour ma part, je mise sur les prises de conscience que provoque, après coup, la crise. Mercredi, Idir présente au Groupe des Cycliques les marionnettes qu'ils porteront à bout de bras sur de grands bâtons de bois ("Rita la mouette", "Nous Ange disparu", "Celui qui disait Je", "La Synagogue aux yeux bandés", il faudra attendre encore un peu pour découvrir "La Chimère de Saint-Sernin"...). Les draps colorés des marionnettes s'agitent aux moindres mouvements, il est troublant de constater comme l'objet inanimé prend vie. Vendredi, nous recevons le temps d'une répétition qui se devient publique nos premiers visiteurs, nos partenaires de la ville et du conseil général. Ils découvrent la teneur du propos de Gatti et son appropriation par le groupe. Avant de nous quitter le temps du week-end, une discussion s'improvise entre scène et salle sur les enjeux du texte et de sa représentation, réinventant d'une certaine façon le dialogue des spectateurs virtuels avec les comédiens durant le spectacle...


Thérèse :
Semaine d'une démesure noire et lumineuse avec en son coeur un Mardi nu. Se parler et se répondre parfois dans des corps à corps entre deux flocons de neige et sur une piste glissante.

Ca s'écrie.

Il est beau ce texte de Gatti bazar et ce qu'il mêle du côté des nuits virtuelles de tous nos Rimbaud me touche étrangement. Dans les voix qui circulent...On reste encore dans l'incantation et la déclamation du texte...mais se profilent d'autres choses parce qu'on en sent les limites..et vlan pour le on bonbon...

Cette semaine, j'ai relu Beckett oui souvent je relis la fin de l'Innommable et ca fait comme ça: " Il n'y a que ça , il faut continuer,c'est tout ce que je sais, ils vont s'arrêter, je connais ça, je les sens qui me lâchent, ce sera le silence, un petit moment, un bon moment, ou ce sera le mien, celui qui dure, qui n'a pas duré, qui dure toujours, ce sera moi, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu'il y en a, il faut les dire , jusqu'à ce qu'ils me trouvent, jusqu'à ce qu'ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c'est peut-être déjà fait, ils m'ont peut-être déjà dit, ils m'ont peut-être porté jusqu'au seuil de mon histoire, devant la porte qui s'ouvre sur mon histoire, ça m'étonnerait si elle s'ouvre....il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer."

Et voilà l'ouverture du Printemps des poètes.

Pascal :
Semaine avec émission sur l'Eko. Quelques frittages dans la cohorte ; c'est vrai qu'Armand devait venir à Montpellier et n'a pas pu. Alors les enfants terribles portent bien leur nom. Nous sommes à peu près au milieu de l'expérience, même si l'expérience ce sera sur scène que nous la vivrons le plus. Ce que j'aime beaucoup, c'est le repas à la cantine du collège Arthur Rimbaud ; on est là comme des cosmonautes ; les enfants s'interrogent : que viennent-ils faire dans notre cantine toute pourrie ? Eh bien de la résistance. Ouvrons le dictionnaire à la lettre R.

Idir a commencé les pantins que nous portons à l'avant scène. Le cri d'enfant ou d'aigle de Chloé vaut bien les cris de mes flutes. Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres est une idée géniale, nous nous baladons dans un cercle et faisons le plus grand chemin possible. Olivier s'investit dans ce texte fait sur mesure pour sa curiosité du réel. Delphine s'accroche, le Théâtre c'est beaucoup plus dur qu'il n'y paraît. Christine est là, depuis peu, et semble déjà moins décontenancée par l'écriture d'A. Gatti.

Lundi et mardi matin, c'était l'initiation au cirque avec Camille et Chloé. Équilibres, roues, roulades, jongle, portés et petit numéro de clown par celui qui dit je. Les bâtons tournoient dans nos mains. On a commencé des discussions parallèles sur des faits sociaux-politiques. Et comme lundi était la journée internationale des femmes, avec Khadija, nous avons fait un état des lieux.

Et puis, y'a le chant. Ce qui me semblait le plus difficile à mettre en place et qui est une réussite. Nous chantons tous plus ou moins juste ; peut-être quelques arrangements pour qu'on entende mieux les différentes tonalités des voix soprano, alto ou basses. La valse des mathématiques est mélancolique et joyeuse. Sherifa chante et tambourine. Les commutations inter groupes sont acquises. Nous allons donc commencer notre descente dans l'écriture de la pièce, et donc faire des efforts pour un texte par chœur.

Encore un mois d'aventure ; avec je l'espère la venue prochaine de l'auteur dont le regard nous est cher et nous sera précieux.

A la semaine prochaine pour la suite.

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